Il est généralement plus facile de nous unir contre un ennemi commun qu’autour d’un projet commun.
Lutter, c’est bien, mais si nous n’avons rien à proposer en échange c’est vain. C’est pourquoi nous allons travailler aujourd’hui à redécouvrir les principes et les contours de la Cité politique idéale. C’est elle qui est attaquée dans son ensemble, c’est donc elle qu’il nous faut rebâtir.
Nous articulerons cet exposé préliminaire autour de trois questions : Qu’est-ce que la Cité politique ? Pourquoi est-elle nécessaire ? Comment doit-elle être organisée ?
1.Qu’est-ce qu’une cité politique ?
En résumé, la Cité politique n’est pas un ensemble anarchique d’individus poursuivant chacun leur fin propre, mais un regroupement de corps sociaux organisés en vue d’une fin.
Un corps social c’est une société composées de personnes qui se sont regroupées et organisées pour poursuivre la fin propre de leur société (transmettre les savoirs fondamentaux pour l’école par exemple). Ces corps sociaux sont divers : familles, métiers, commune, associations… Chacun poursuit sa fin propre, et tous doivent se coordonner les uns avec les autres pour atteindre la fin de la Cité politique qui est la poursuite du Bien commun.
Le Bien commun ce n’est pas l’ensemble des désirs personnels des individus ou des corps sociaux pris séparément, mais le bien nécessaire à tous, qui constitue le bonheur de tous. Ce bien nécessaire à tous, qui seul permettra à chacun d’atteindre sa fin propre, c’est la Paix. Cette paix consiste en une « tranquillité de l’ordre », c’est à dire que chaque chose étant à sa place et s’épousant harmonieusement, les hommes, libérés des angoisses de la chair [= la survie = répondre aux besoins primordiaux] pourront profiter de cette paix pour s’adonner plus librement aux besoins de l’esprit (contempler, créer, bâtir). C’est ce qu’on appelle le « bien vivre » (en opposition à l’état de survie).
2. Pourquoi cette organisation politique est-elle nécessaire à l’homme ?
Comme nous l’avons vu précédemment, le but de l’homme c’est de connaître et d’aimer en vérité. Mais comment atteindre cette fin individuellement ? L’homme, si nous nous en tenons à ce que la nature lui a donné, est l’animal le plus démuni au monde. Il doit faire face aux agressions naturelles (le froid, la pluie, la faim) mais aussi aux prédateurs (animaux sauvages, autres êtres humains…), sans parler des maladies qui résultent de mauvaises conditions de vie. Si chacun de nous devait se débrouiller seul pour survivre, la vie ne serait qu’une constante angoisse, une perpétuelle vigilance pour préserver sa vie et à se défendre contre les autres. Une vie où l’homme n’aurait absolument pas le temps de s’occuper des choses plus spirituelles qui font sa spécificité propre, serait un châtiment plus qu’une bénédiction. Et malheureusement c’est à cette conclusion que sont arrivés bien de nos contemporains, complètement désabusés par ce monde désacralisé où l’individualisme est roi, où la loi du plus fort règne, et où l’homme est devenu un loup pour l’homme.
Pourtant, c’est bien pour répondre à cette angoisse existentielle que de tous temps les hommes se sont regroupés naturellement pour mieux s’organiser contre ces agressions, et ainsi trouver la paix nécessaire à la poursuite de leur fin proprement spirituelle. C’est en ce sens que l’on peut dire que l’homme est un animal non seulement social mais politique.
La cellule de base de la société politique c’est bien entendu la famille, le plus petit des corps sociaux composant la Cité mais aussi le plus nécessaire : sans famille pas d’enfants, sans enfants pas de régénération de la société, donc sans famille pas de société. Elle doit être notre premier champ d’action et le trésor le plus précieux que nous devons protéger (elle est aussi malheureusement la plus attaquée par les idéologies au pouvoir actuellement).
Mais une famille seule ne peut subvenir à tous ses besoins sans le secours d’autres corps sociaux. C’est pourquoi les familles se sont regroupés en villages, communes, nations… Les hommes ont également mis au service de tous les dons naturels qu’ils avaient reçus de la nature en s’organisant en diverses sortes d’associations professionnelles, spirituelles, sociales ou militaires. C’est ce qu’on appelle les corps sociaux intermédiaires [entre la plus petite cellule et la plus grande].
Mais là encore, aucun de ces corps intermédiaires n’est autosuffisant par lui-même. C’est pourquoi ils ont besoin d’une autorité, c’est-à-dire d’une personne ou d’un ensemble de personnes qui, ayant un point de vue plus élevé sur la société, pourra aider à coordonner l’ensemble des opérations de ces corps sociaux en vue de la poursuite du bien commun.
Ce corps social le plus abouti, et autosuffisant, c’est-à-dire seul capable de répondre à tous les besoins de la société politique dans son ensemble, c’est l’État, c’est-à-dire le corps regroupant l’ensemble des corps sociaux opérant au sein d’un territoire donné et coordonnés par une autorité reconnue légitimement.
Afin donc de permettre aux individus d’atteindre leur fin propre, il faut donc que les hommes se regroupent en divers corps, et qu’ils se soumettent à une autorité légitime qui coordonnera leurs différentes opérations pour atteindre la Paix nécessaire à la poursuite de la Vérité.
Cette paix doit être atteinte intérieurement (par l’amitié politique, c’est-à-dire la bonne concorde de tous les membre de la Cité par le respect des lois mises en place pour cela) et extérieurement (par la diplomatie politique avec les autres nations).
3. Comment cette Cité doit-elle être organisée ?
Pour parvenir à cette paix et cette harmonie de l’ensemble, il est nécessaire que l’État respecte l’autonomie de chaque corps social et mette à leur service tous les moyens nécessaires pour atteindre leur fin propre.
Ce respect implique que l’État ne doit pas être un appareil administratif centralisé, où tous les pouvoirs seraient concentrés entre les mains d’une seule autorité pour forcer les individus à agir selon sa volonté. Il doit au contraire reposer sur le principe de subsidiarité, c’est-à-dire le respect de l’autorité propre de chaque société qui le compose et de son domaine de compétence particulier.
La seule intervention légitime de l’État dans ce domaine serait d’aider chacun des corps sociaux à obtenir les moyens qu’il ne pourrait avoir par lui-même, afin de l’aider à poursuivre sa fin.
Par ex : aider financièrement les familles pour qu’elles puissent bien éduquer leurs enfants selon ce qu’elles jugeront le plus appropriés pour eux, et non pas, à la manière de l’éducation nationale, en forçant les familles à suivre un programme et un système idéologique imposé par l’État. L’éducation des enfants c’est le rôle spécifique des parents, pas du chef d’État ni du chef d’entreprise : chaque autorité doit être respecté.
Bien sûr, en cas de danger menaçant la paix sociale, l’État peut sanctionner les personnes néfastes : arrêter un père de famille incestueux, mettre la pression sur un chef d’entreprise payant mal ses employés, etc. Mais toujours en respectant les limites de sa juridiction propre qui est de protéger le pays des menaces extérieures par la défense militaire et la diplomatie, et de faire appliquer la loi pour conserver la paix intérieure.
C’est pourquoi une autorité qui poursuivrait sa fin propre ou sortirait de son domaine de compétence perdrait par le fait même la légitimité de son autorité. De même qu’une loi qui ne serait pas conforme à la morale naturelle (résumé dans le décalogue : ne pas tuer, ne pas voler, etc.), perdrait sa force de loi. L’une comme l’autre ne seraient plus légitimes et nous n’aurions plus le devoir de leur obéir.
Résumé:
La cité politique que nous devons bâtir n’est pas un brassage d’individus mais un ensemble de corps sociaux œuvrant ensemble, sous la vigilance d’une autorité, à la poursuite du bien commun.
Cette autorité n’est pas un tyran imposant à tous sa volonté propre, mais un serviteur au service de la cité, l’aidant par sa compétence propre à atteindre la paix nécessaire pour permettre à chacun de bien vivre (c’est-à-dire de vivre selon les besoins de l’esprit et non seulement de la chair).
Cette paix étant subordonnée à la poursuite de la fin propre de l’homme, qui est de contempler la vérité et de la faire exister dans tous les domaines de sa vie individuelle et sociale, elle ne pourrait s’obtenir au détriment de celle-ci (contrairement au fameux contrat social reposant sur le compromis).
Pour garantir cette véritable paix, chaque individu a le devoir de se sacrifier pour préserver le bien commun de tous. Car la partie est au service du tout, et pour protéger ceux que l’on aime et transmettre ce qu’on a si durement travaillé à obtenir, il faut être prêt à ce sacrifice héroïque au service de la Cité.
La Cité politique n’est donc pas un concept intellectuel désincarné, mais la réalité très concrète des personnes auxquelles nous sommes liés par des liens d’amitié, de notre village, de notre église, de notre métier,… c’est à dire en trois mots : de notre famille, de notre terre et de notre civilisation.